
Série « Catalyseurs du changement : Voix des partenariats du PAT-MDE »
Au Maroc, l’assistance technique à court terme fournie dans le cadre du partenariat PAT-MDE a appuyé le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dans le renforcement de l’analyse statistique sensible au genre. Avec l’appui de spécialistes canadiens, le HCP a introduit l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) afin de combler les lacunes en matière de données sur le genre et les enjeux intersectionnels, renforçant ainsi la capacité du Maroc à élaborer des politiques plus inclusives et fondées sur des données probantes. Dans cette série, les partenaires du projet partagent leurs réflexions sur la manière dont une expertise ciblée contribue à transformer les pratiques institutionnelles. Le PAT-MDE est financé par Affaires mondiales Canada et mis en oeuvre par Alinea International.
Contexte
En décembre 2020, le Maroc ne disposait que de moins de la moitié (46,7 %) des données liées au genre nécessaires pour suivre les progrès accomplis dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD). D’importantes lacunes persistaient, notamment en matière de participation au marché du travail, mais aussi dans la disponibilité de données comparables sur des enjeux intersectionnels tels que le genre et la pauvreté, le harcèlement, l’accès des femmes aux ressources comme la terre, ainsi que les liens entre genre et environnement. Combler ces lacunes est essentiel pour atteindre les cibles liées au genre dans les ODD du Maroc.
Le Haut-Commissariat au Plan (HCP), principale agence statistique du pays, possède une longue expérience en matière de budgétisation sensible au genre et de recherche sur les questions d’égalité entre les sexes. L’intérêt institutionnel pour renforcer l’utilisation des données et des analyses dans l’élaboration des politiques publiques est croissant, en particulier pour les communautés vulnérables et marginalisées. Afin de pallier le manque de cadres analytiques et d’outils permettant d’explorer l’intersection du genre avec d’autres formes d’inégalités, le HCP a collaboré avec le projet PAT-MDE pour renforcer ses capacités grâce à l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+). Cet effort appuie les progrès plus larges du Maroc et ses initiatives pour promouvoir l’égalité de genre, en cohérence avec la Constitution, les engagements internationaux et le Plan gouvernemental pour l’égalité.
Mehdi Abtaibi, sociologue spécialisé sur les questions de genre, a rejoint l’initiative alors qu’il travaillait au département communication et coopération du HCP. Il a contribué à l’organisation logistique et a mené des recherches qualitatives pour le projet PAT-MDE. Le partenariat Maroc–Canada a réuni des collègues de différents départements du HCP et introduit des pratiques innovantes comme le développement de produits en équipe et l’apprentissage entre pairs à l’international. Lorsque nous avons interviewé Mehdi, il tenait à partager son expérience.
L’histoire de Mehdi Abtaibi
Ce qui a le plus marqué Mehdi dans cette initiative, et influencé son apprentissage personnel et institutionnel, est l’utilisation institutionnelle de l’approche ACS+ au Canada. Lors d’une visite technique, il a constaté comment les institutions canadiennes intégraient systématiquement les rapports ACS+ dans l’élaboration des politiques, les utilisant dans les évaluations sectorielles, la budgétisation, le suivi et l’évaluation — et non comme une tâche ponctuelle. Il a souligné :
« Une chose qui a vraiment retenu mon attention, personnellement, et celle de nombreux collègues ayant travaillé sur ce projet, c’est la manière dont l’ACS+ est appliquée au Canada. C’est le fait qu’il s’agit véritablement d’une approche institutionnelle, où différentes institutions publiques, à un certain moment, produisent un rapport ACS+. »
Ce cycle de collecte de données probantes à travers une analyse intersectionnelle, appliqué de manière cohérente dans les processus gouvernementaux, a été particulièrement inspirant. Il a incité Mehdi et ses collègues à réfléchir à la manière dont cette approche pourrait être adaptée au Maroc. Ils ont reconnu que l’ACS+ pouvait aller au-delà des apports académiques et constituer un outil pratique pour la planification et la budgétisation, menant à des politiques publiques plus efficaces et plus équitables.
Mehdi explique :
« Le Maroc travaille de plus en plus à relever les défis liés aux inégalités de genre. Je crois que de nombreuses politiques publiques bénéficieront considérablement d’outils comme l’ACS+, tant en termes de qualité des données de référence que d’évaluation des impacts, ce qui appuiera le développement de programmes et politiques plus ciblés et plus efficaces. »
Pour Mehdi, ce qui l’a encore plus frappé, c’est la façon dont l’approche canadienne de la diversité, de l’inclusion et de la visibilité des communautés s’étend au-delà des institutions, jusque dans la vie quotidienne. Il a décrit cela comme la « beauté de la communauté », une expérience qui l’a influencé en tant que chercheur et citoyen. Cette expérience a renforcé sa conviction que l’inclusion doit être intégrée et vécue à tous les niveaux de la société pour être véritablement significative.
Les impacts à long terme sont déjà visibles : l’ACS+ est utilisée sous diverses formes dans les départements du HCP, notamment dans les études sur la participation économique des femmes. Elle a contribué à accroître la rigueur méthodologique, à améliorer la cohérence des programmes et à renforcer leur pertinence politique. Mehdi affirme que de telles approches accroissent non seulement l’impact, mais aussi l’efficacité des dépenses publiques, car des programmes mieux conçus sont plus à même de répondre simultanément à plusieurs formes d’exclusion. Comme il l’explique :
« Je crois que de nombreuses institutions peuvent en bénéficier. Dans notre cas, par exemple, avec l’étude que nous avons menée sur la participation économique des femmes, elle a été largement appliquée, extrêmement utile et vraiment innovante, combinant des éléments quantitatifs et qualitatifs de manière très contextualisée. »
Conclusion
L’expérience de Mehdi avec l’ACS+ et son engagement tout au long de cette initiative illustrent la force du mariage entre collaboration institutionnelle et apprentissage intersectionnel réflexif. L’initiative a fait bien plus qu’introduire un nouvel outil : elle a aidé le HCP à repenser la manière d’aborder et d’analyser des formes de vulnérabilité complexes et multiples. Ce changement de perspective a le potentiel de renforcer considérablement l’approche du Maroc en matière de budgétisation sensible au genre, ainsi que la conception et l’évaluation des programmes et politiques.
Dans l’ensemble, cette expérience a permis à Mehdi et à ses collègues d’examiner les inégalités avec plus de clarté et de nuance. Comme il le dit :
« Toute inégalité est au moins double ou triple. »
Reconnaître cette complexité et mettre en place des outils pour y répondre sont essentiels afin de créer des politiques plus inclusives, efficaces et durables, au Maroc comme ailleurs.