Soutien à la mise en œuvre de la budgétisation sensible au genre en Tunisie

Série « Catalyseurs de changement : Les voix des partenariats du PAT-MDE »

En Tunisie, l’assistance technique à court terme du PAT-MDE a soutenu le ministère des Finances et son Unité centrale de gestion budgétaire par objectifs (UGBO) dans l’intégration de l’égalité des genres au cœur des processus budgétaires. Grâce à l’expertise canadienne, le ministère a renforcé ses capacités en matière de budgétisation inclusive, combinant les dimensions de genre, d’intersectionnalité et de climat. Dans cette série, les partenaires du projet reviennent sur la manière dont une expertise ciblée a contribué à faire évoluer les pratiques et les visions institutionnelles. Le programme PAT est financé par le gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada et mis en œuvre par Alinea International.

Contexte

La Tunisie a pris des engagements importants en matière d’égalité des genres. Toutefois, comme dans de nombreux pays, il faut du temps pour que les politiques publiques se traduisent en changements mesurables sur le terrain. En conséquence, les femmes et les groupes marginalisés en Tunisie continuent de faire face à un taux de chômage plus élevé, une plus grande vulnérabilité et une représentation limitée dans les espaces décisionnels. Pour contribuer à répondre à ces défis, le PAT-MDE a appuyé le ministère des Finances de la Tunisie et son Unité centrale de gestion budgétaire par objectifs (UGBO) dans l’intégration de l’égalité entre les genres à travers la budgétisation sensible au genre (BSG). Cette collaboration s’est déployée à travers deux initiatives consécutives. La première phase portait sur l’analyse des pratiques internationales en matière de BSG, la création d’un guide pratique à l’intention du personnel ministériel et l’organisation de formations. L’objectif : permettre aux ministères d’intégrer une perspective de genre dans leurs processus budgétaires et renforcer la capacité de l’UGBO à soutenir des politiques sensibles au genre à l’échelle de l’État tunisien.La deuxième phase s’est concentrée sur l’évaluation des effets de ces efforts et sur l’élaboration d’un mécanisme de budgétisation inclusive, intégrant les dimensions de genre, d’intersectionnalité et de climat. De nouveaux outils, guides et formations ont été développés pour appuyer les travaux du ministère dans l’application de cette approche. Les participant·es ont également eu l’occasion de participer à une mission d’étude au Canada afin de s’inspirer de l’expérience canadienne.

Avant l’appui du PAT, la réforme budgétaire tunisienne reposait sur une approche plus traditionnelle, descendante, utilisant souvent des modèles préconçus importés d’autres pays sans tenir pleinement compte des réalités sociales et économiques de la Tunisie. Amel Lahmari Fekih, cheffe de l’UGBO, a accompagné cette initiative du début à la fin. Nous l’avons rencontrée pour qu’elle partage son expérience.

L’histoire de Mme Amel Lahmari Fekih

Ce qui a le plus marqué Amel ne fut pas un outil technique ou un document officiel, mais un changement fondamental dans la manière de penser. Lors des premiers jours de la mission d’étude au Canada, Amel et ses collègues des ministères des Finances tunisien et marocain cherchaient des modèles précis : circulaires, canevas, décrets ou cadres reproductibles. Ils s’attendaient à trouver une structure rigide à dupliquer. Mais dès le troisième jour, une autre réalité s’est imposée : le modèle canadien ne reposait pas sur une formule unique, mais sur une posture adaptable. Les institutions canadiennes abordaient les politiques publiques avec souplesse, en valorisant l’appropriation collective et le respect des réalités humaines. Le pragmatisme et l’ouverture étaient au cœur de leur démarche.Cette révélation a profondément transformé l’équipe. Ils ont compris que la force d’un système budgétaire ne réside pas dans l’uniformité, mais dans sa capacité à répondre aux besoins de sa population et de son contexte. Comme l’explique Amel :

« Nous devons penser un modèle tunisien, en nous appuyant sur l’outil ACS Plus, pour concevoir un cadre qui tient compte des enjeux, des différences et des disparités à prendre en compte dans la conception des politiques publiques et du budget. »

Le modèle canadien leur a offert de l’inspiration, non pas un cadre à copier, mais une invitation à créer un outil ancré dans les réalités sociales, économiques et géographiques de la Tunisie. Cette prise de conscience a conduit à un changement concret : plutôt que de continuer à utiliser des canevas onusiens ou dictés par les bailleurs, comme c’était le cas dans le passé, le ministère a commencé à travailler à un modèle tunisien d’analyse comparative entre les sexes plus.

« Le Canada nous inspire à penser des modèles tunisiens », souligne Amel. L’initiative a favorisé les dialogues internes, renforcé les consensus entre départements et mobilisé un soutien accru pour la budgétisation inclusive, notamment autour des questions de genre et de climat.« Nous sommes revenus de la mission d’étude pleins d’enthousiasme, pleins de bonne volonté, pleins de foi que nous réussirons ce que nous avons entamé en Tunisie. »

Un atelier de deux jours est venu renforcer ces apprentissages et consolider les engagements.

Conclusion

La collaboration entre le ministère des Finances de la Tunisie et le PAT-MDE a catalysé une transformation culturelle et institutionnelle profonde. D’un modèle rigide et externalisé, le ministère a évolué vers une approche contextuelle, appropriée localement et tournée vers l’inclusion.

L’expérience de Mme Amel démontre que la véritable réforme ne consiste pas à importer des outils, mais à s’inspirer de valeurs, à apprendre des autres et à façonner des solutions adaptées à son propre contexte. L’impact de l’initiative ne réside pas uniquement dans les outils techniques produits, mais dans la formation d’une génération de fonctionnaires capables de diriger avec pragmatisme, empathie et flexibilité. Le système budgétaire tunisien est désormais mieux positionné pour servir l’ensemble des citoyen.nes , en particulier celles et ceux qui en étaient autrefois exclus.