« Yo puedo » : un parcours transformateur de leadership féministe en Bolivie

Série « Catalyseurs de changement : Les voix des partenariats du PAT-MDE »

En Bolivie, l’assistance technique à court terme du PAT-MDE a soutenu l’École de gestion publique plurinationale (EGPP) dans l’organisation d’un atelier de leadership féministe à destination de femmes issues de communautés autochtones, d’organisations de base et d’institutions publiques. En collaboration avec des spécialistes canadien.nes, les participantes ont exploré des approches féministes, décoloniales et intersectionnelles adaptées au contexte bolivien. Dans cette série, les partenaires du projet partagent comment une expertise ciblée a contribué à transformer les pratiques, les perspectives et les trajectoires individuelles. Le programme PAT est financé par le gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada et mis en œuvre par Alinea International.

Contexte

La Bolivie a fait des pas importants pour intégrer la dépatriarcalisation et la décolonisation dans la planification et la mise en œuvre de ses politiques publiques. En 2023, l’École de gestion publique plurinationale (EGPP), l’institution nationale chargée de la formation des fonctionnaires, a organisé, en collaboration avec des spécialistes bolivien.nes et canadien.nes, un atelier de leadership à l’intention de femmes issues d’organisations communautaires, de peuples autochtones et d’institutions publiques.L’atelier proposait une adaptation de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+), tenant compte de la réalité plurinationale de la Bolivie et alliant des perspectives féministes et décoloniales à des études de cas pratiques.

Soutenue par Affaires mondiales Canada, cette initiative visait à encourager une transformation structurelle, non seulement au sein des institutions publiques, mais aussi au sein des mouvements féministes et des communautés locales.Parmi les participantes figurait Lidia Cachi Pacheco, dirigeante de la Fédération de femmes Juana Azurduy de Padilla à Santa Cruz, mieux connue sous le nom de Las Juanas de Azurduy. Nous avons échangé avec Lidia pour en savoir plus sur l’impact personnel de cette expérience et les changements qu’elle a initiés au sein de sa communauté.

L’histoire de Lidia Cachi Pacheco

« Yo puedo y lo logro, salgo como líder y no tengo miedo a nada. »(Je peux, et j’y arrive. Je sors en tant que leader, sans peur.)

C’est ainsi que Lidia a décrit ce qu’elle ressentait à la sortie de l’atelier – affirmée, outillée, et prête à assumer son rôle de leader. Bien qu’elle ait déjà participé à d’autres espaces de formation, cette expérience fut différente.

« Pour nous, cet atelier animé par l’EGPP, avec Tracy du Canada, a été marquant. Un véritable changement. »

L’atelier a réuni des femmes issues de mouvements sociaux, de communautés autochtones, du secteur LGBTQ+, de la fonction publique et des gouvernements locaux. Pour plusieurs, c’était la première fois qu’elles abordaient les notions de dépatriarcalisation et d’intersectionnalité de manière concrète, à partir de leurs vécus.

« Nous savions que nous étions des leaders. Nous savions que nous luttions pour les femmes », raconte Lidia. « Mais Tracy nous a appris qu’être leader, c’est aussi être visible. Un jour, je lui ai dit : “Et si je veux diriger, mais sans trop m’exposer ?” Elle m’a répondu : “Non. Les leaders doivent être vues. Elles doivent être reconnues.” »

Ce message a profondément résonné. La formation a poussé Lidia et ses camarades à remettre en question des limites qu’elles pensaient immuables. Les sessions se prolongeaient parfois tard en soirée – non par obligation, mais parce que personne ne voulait partir.

« On ne regardait même pas l’heure. On était totalement absorbées. Pour toutes les participantes, ça a été une transformation complète. » Et le changement ne s’est pas arrêté aux portes de l’atelier. Comme le dit Lidia : « J’ai même invité mon mari à une partie de l’atelier. Il a dit : ‘Mes fils devraient suivre ça. Mes frères aussi.’ »

La formation a apporté aux participantes bien plus que des outils : elle a ravivé leur confiance en elles, en leur pouvoir individuel, collectif et organisationnel. Avant tout, elle a permis de renforcer une chose essentielle : la confiance en leur voix, leur leadership, et leur capacité d’agir.

Comme l’exprime Lidia :« Ça nous a permis de croire en nous, en ce qu’on est capables de faire, d’essayer, de réaliser. Ça nous a aidées à remettre en question ce qu’on croyait figé, et à trouver le courage d’aller plus loin. »

Depuis, Lidia et les membres des Juanas de Azurduy partagent ce qu’elles ont appris avec d’autres femmes à Santa Cruz et ailleurs, alimentant des conversations collectives sur le leadership féminin partout au pays.

Conclusion

L’atelier de leadership s’inscrivait dans un processus plus large, amorcé par le co-développement d’un cours de spécialisation sur l’ACS+ à l’intention des fonctionnaires bolivien·nes. Lors de sa seconde phase, ce cours a évolué vers une approche de formation communautaire axée sur les formatrices, créant un espace propice non seulement à la réforme institutionnelle, mais aussi à une transformation individuelle et collective. Pour Lidia, ce n’était pas qu’une formation. C’était un tournant.

« On a appris qu’il existe des égalités sociales. Qu’on n’est pas obligées de rester colonisées. Il faut avancer vers la dépatriarcalisation. »

Grâce à l’appui offert dans le cadre du renforcement des capacités du PAT-MDE, Lidia et ses camarades disposent désormais des outils et de la confiance nécessaires pour porter leur voix – et le message « Yo puedo » – au sein de leurs communautés, de leurs institutions, et pour une Bolivie plus juste et égalitaire.