
Catalyseurs de changement : Voix des partenariats du PAT-MDE
Au Maroc, une assistance technique de courte durée offerte dans le cadre du partenariat PAT-MDE, en collaboration avec le Centre de compétences en changements climatiques du Maroc (4C Maroc), a renforcé les capacités nationales pour faire face aux impacts croissants des changements climatiques. Sous la direction de la Dre Raja Chefil, alors directrice générale du 4C Maroc, le partenariat avec les spécialistes canadiens a permis de réaliser trois initiatives novatrices : un exercice de cartographie des risques climatiques dans les provinces du Nord, un programme de formation destiné aux jeunes négociateurs climatiques, et la première étude nationale explorant les liens entre le genre et le climat. Ces efforts conjoints ont contribué à faire progresser les stratégies du Maroc en matière de développement sensible au genre et résilient aux changements climatiques. Le programme PAT est financé par le gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada et mis en œuvre par Alinea International.
Contexte
En raison de sa situation géographique, le Maroc est particulièrement vulnérable au changement climatique et en subit déjà les effets. La grave sécheresse de 2015, par exemple, a eu un impact significatif sur les récoltes et a pesé sur l’économie nationale. Le pays reconnaît qu’il continuera d’être exposé à des phénomènes météorologiques extrêmes, à des changements dans les régimes de précipitations et à une pénurie d’eau croissante. De plus, le Maroc dépend fortement de l’agriculture, de la pêche et du tourisme, trois secteurs directement touchés par les changements climatiques.
Pour faire face à ces effets, le Maroc a demandé l’appui du Canada afin d’intégrer les politiques liées au genre et au climat dans sa stratégie de conservation des ressources naturelles et de renforcement de la résilience agricole face au changement climatique.
La Dr Raja Chefil, ancienne directrice générale du Centre de compétence sur le changement climatique du Maroc (4C Maroc), illustre bien comment les partenariats stratégiques peuvent catalyser un changement transformateur. Sous sa direction, cette plateforme nationale basée à Rabat a collaboré avec Alinea International dans le cadre de l’initiative du Partenariat d’assistance technique (PAT) du Canada, financée par Affaires mondiales Canada. En collaboration avec les experts canadiens Eddy Perez, André-Yanne Parent, Magali Troin et Adrien Lambert, le Dr Chefil a dirigé trois initiatives novatrices : la cartographie des risques climatiques dans les provinces du nord du Maroc, la mise en œuvre de programmes de formation pour les jeunes négociateurs du climat et la première exploration approfondie au Maroc des intersections entre le genre et le climat. Le travail des experts a abouti à un plan d’action en matière d’égalité des sexes pour le 4C, à une session de formation sur les négociations climatiques et à une stratégie pilote d’adaptation et de résilience pour la province de Tétouan.
L’histoire de la Dr. Raja Chefil
Avant cette collaboration, les politiques publiques marocaines ne disposaient pas d’une analyse structurée des interactions entre le genre et le climat. Les documents nationaux, y compris les plans d’adaptation et les stratégies climatiques, ne prenaient pas en compte cette dimension. Ce partenariat a introduit de nouvelles méthodologies et de nouveaux cadres d’analyse qui ont non seulement comblé cette lacune, mais aussi permis de renforcer durablement les capacités techniques pour les programmes futurs.
Les résultats de l’initiative comprennent un plan d’action pionnier en matière d’égalité des sexes pour le 4C, une formation spécialisée sur les négociations climatiques et une stratégie pilote d’adaptation pour la province de Tétouan, qui a constitué le premier exercice complet de cartographie des risques climatiques au Maroc.
Pour la Dre Chefil, deux éléments se sont révélés particulièrement transformateurs : le travail d’intégration du genre et du climat, ainsi que la cartographie des risques climatiques à Tétouan. L’étude sur le genre, menée avec le soutien technique de la consultante d’Alinea, Joëlle Matte, a marqué sa première immersion dans cette thématique et a provoqué un profond changement dans sa trajectoire professionnelle.
« L’analyse des documents politiques nationaux sous l’angle du genre, réalisée dans le cadre de cette étude, a été révolutionnaire », se souvient-elle.
Cette expérience a suscité une telle passion qu’elle envisage désormais de se spécialiser dans les questions de genre et de climat à l’échelle du continent africain, et elle participe déjà à de nouvelles initiatives régionales. Cette transformation a rapidement eu des répercussions au-delà de son parcours personnel. À la suite d’un discours qu’elle a prononcé lors du lancement d’une initiative sur le genre et le climat, un parlementaire marocain l’a approchée avec une proposition :
« Vous m’avez inspiré à rédiger un projet de loi visant à garantir le respect des droits des femmes dans le contexte du changement climatique. Pouvez-vous m’aider ? »
Cette interaction illustre parfaitement l’effet d’entraînement du travail amorcé dans le cadre du projet, où une étude initiale a déjà inspiré une action politique de haut niveau. La Dre Chefil considère cela comme une première pour le Maroc et un résultat profondément significatif.
Parallèlement, la cartographie des risques climatiques à Tétouan a atteint son objectif stratégique : démontrer la faisabilité et la pertinence d’une telle initiative. Premier projet d’évaluation complète des risques climatiques au Maroc, il a délibérément ciblé un site regroupant des zones côtières, montagneuses et agricoles, afin de permettre aux chercheurs d’étudier diverses vulnérabilités climatiques, notamment les risques d’immersion marine. Ce succès a suscité un vif intérêt à travers le pays et entraîné de nouvelles demandes d’évaluations similaires dans d’autres régions.
Le volet formation des jeunes continue également de produire des résultats concrets. Les anciens participants soutiennent désormais les délégations marocaines lors des négociations internationales sur le climat, entretiennent des réseaux actifs via WhatsApp et LinkedIn, et attribuent à cette formation leur sélection au sein des équipes nationales participant aux conférences mondiales.
Conclusion
Le parcours de la Dre Chefil illustre la manière dont un financement catalytique, un appui technique de qualité et une collaboration stratégique peuvent déclencher un changement systémique durable. L’initiative a renforcé les capacités institutionnelles, lancé la première exploration formelle au Maroc des intersections entre le genre et le climat, et semé les bases d’une future législation nationale.
Aujourd’hui, les retombées se poursuivent : de nouveaux projets voient le jour à partir des travaux initiaux, les stagiaires sont devenus des leaders dans le domaine du climat, et la Dre Chefil elle-même a choisi de se spécialiser davantage à la suite de cette expérience. Comme elle le décrit, le projet a servi de « déclencheur de vocations », inspirant non seulement les futurs négociateurs, mais aussi les législateurs et les acteurs communautaires.
L’initiative n’a pas seulement produit des résultats concrets : elle a aussi lancé un mouvement fondé sur la pertinence locale, la justice de genre et la résilience climatique, démontrant qu’une expérience réussie peut inspirer une transformation institutionnelle durable.