Renforcer les capacités en Jordanie

Des experts aideront la direction du service public à lutter contre la traite des êtres humains au Royaume hachémite de Jordanie.

Blog post par les consultants de TAP-EDM Wayne Hissong et Andrea Wojtak 

Bien que le Royaume hachémite de Jordanie soit essentiellement un pays de destination pour les victimes de la traite des personnes, c’est également une plaque tournante et une source de victimes de la traite. Les victimes internationales sont originaires de nombreux pays, quoique principalement d’Asie du Sud, d’Asie du Sud-Est, Afrique de l’Est, d’Égypte et de Syrie. Les travailleurs migrants sans papiers se rendent en Jordanie dans l’espoir d’améliorer leur situation économique. Or, leur statut les rend vulnérables aux conditions de travail inhumaines et à la traite des personnes. La Jordanie est aussi la terre d’accueil de centaines de milliers de réfugiés qui ont fui la guerre, particulièrement des Syriens. En 2021, la Jordanie accueillait 760 000 réfugiés, la vaste majorité d’entre eux étant originaires de la Syrie. Depuis 2016, les réfugiés syriens sont autorisés à travailler dans plusieurs secteurs de l’économie jordanienne. Toutefois, même si le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés affirme qu’un nombre record de permis de travail ont été délivrés à des Syriens en 2021 (62 000), la majorité des réfugiés syriens n’ont pas accès au marché de l’emploi légal. Cette situation – combinée à un taux de chômage stratosphérique en Jordanie (23 %) – rend les personnes déplacées très vulnérables aux trafiquants. Ayant désespérément besoin d’une source de revenus, elles peuvent en arriver à faire confiance aux mauvaises personnes.

Par ailleurs, les statistiques fiables sur la gravité réelle de la traite des personnes en Jordanie se font rares. Une par la Jordanian Women’s Union révèle que 224 cas de traite de personnes ont été identifiés par différents services de police entre 2009 et 2019. Parmi eux, plus de la moitié impliquaient du travail forcé comme domestique. La deuxième forme de trafic la plus fréquente en Jordanie est le trafic d’organes; les autres étant l’exploitation sexuelle, la vente d’enfants, le mariage forcé, la mendicité forcée et le travail forcé dans différents secteurs, dont le secteur agricole, le secteur industriel et le secteur de la construction. À la lecture de l’évaluation de Tamkeen Fields for Aid et du rapport du Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains du Conseil des droits de l’homme, il convient toutefois de se demander si le problème n’est pas plus grave et si les cas de traite des personnes ne sont pas sous-évalués.

D’après le Département d’État des États-Unis, la Jordanie ne respecte pas pleinement les normes minimales en ce qui a trait à l’élimination de la traite et du trafic, bien qu’elle fasse des efforts considérables pour y parvenir. Le gouvernement jordanien a consacré des ressources pour la formation de ses services de police, la création d’un refuge gouvernemental pour les victimes, des campagnes de sensibilisation et la collaboration avec des organismes communautaires. Malgré tout, le gouvernement reconnaît que beaucoup plus de victimes doivent être identifiées et orientées vers les services d’aide. Le gouvernement reconnaît également qu’il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer les capacités de l’Unité de lutte contre la traite des personnes (ULCTP) et d’autres intervenants de première ligne en ce qui a trait à l’identification des victimes, aux enquêtes et à la poursuite des trafiquants.

C’est dans ce but que la Direction du service public (DSP) de la Jordanie a demandé l’aide du gouvernement du Canada pour renforcer les capacités de l’ULCTP et des autres intervenants gouvernementaux concernés à lutter contre la traite des personnes.

À la fin du mois de juin 2022, des expertes et experts canadiens travaillant avec Alinea International se sont rendus à Amman dans le cadre du Partenariat d’assistance technique – Mécanisme de déploiement d’experts (PAT-MDE) financé par Affaires mondiales Canada. Le PAT-MDE jumelle des personnes expertes avec des organismes nationaux des pays admissibles à l’aide publique au développement du Canada. Par l’entremise du PAT, les personnes envoyées à Amman ont pu rencontrer des représentants de la DSP et d’autres intervenants, tisser des liens et mieux comprendre les besoins de formation de l’ULCTP. Ces personnes ont aussi rencontré le major Mohammad Alkhilfat, le dirigeant de l’ULCTP, qui leur a dressé un portrait du travail de son unité et des progrès réalisés dans la lutte contre la traite des personnes en Jordanie. Les personnes envoyées à Amman ont aussi rencontré des représentants de l’Unité de police féminine de Jordanie, du ministère du Travail, du ministère de la Justice, de Kamara (le refuge financé par le gouvernement qui accueille les victimes de la traite), d’organisations internationales comme l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’Organisation internationale pour les migrations et le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, d’autres donateurs étrangers et des organismes communautaires.

 

Tous les représentants rencontrés s’entendaient pour dire que étaient essentielles en Jordanie, et que les formations menées par Alinea en collaboration avec la DSP devaient s’y attarder. Pour minimiser les risques de provoquer un autre traumatisme, ces approches traitent les victimes comme des partenaires du système de justice et privilégient en tout temps leurs besoins, leur dignité et leur autonomisation. Identifier les victimes de la traite des personnes au lieu de les criminaliser est la première étape pour mettre en œuvre une telle approche. Une fois les victimes identifiées, on s’efforce de répondre à leurs besoins, d’apaiser leurs inquiétudes et de veiller à ce qu’elles se sentent protégées et en sécurité.

 

La formation d’Alinea aidera à renforcer les capacités de l’ULCTP et des intervenants de première ligne en ce qui a trait à l’identification des victimes de la traite des personnes et à leur orientation vers les bons services gouvernementaux et communautaires. Alinea travaillera également avec la DSP à l’élaboration d’une formation de base et d’une formation avancée en matière d’enquête, qui abordera les sujets suivants : l’interview des victimes; l’adoption de stratégies d’enquête proactives; l’évaluation des risques pour les victimes et les opérations; et la mise en place d’approches multidisciplinaires dans les enquêtes sur la traite de personnes.

 

Alinea est heureuse de collaborer avec la DSP à la conception et à la prestation d’une formation adaptée, évolutive et répondant à ses besoins sur la durée, de sorte que les besoins des victimes de la traite des personnes en Jordanie demeurent la priorité de la DSP et des intervenants de première ligne.