Carolyn Tanner sur les droits LGBTQI+ en Thaïlande
Par Joseph Menard-Hudon, stagiaire en communication, PAT-MDE/Alinea
Le Partenariat d’assistance technique (PAT) mis en œuvre par Alinea International et financé par Affaires mondiales Canada travaille en collaboration avec Carolyn Tanner, défenseure des droits de la personne, de l’équité et de la justice, et le Département de protection des droits et des libertés du ministère thaïlandais de la Justice, afin de soutenir un lieu de travail plus inclusif et plus accueillant pour les membres de la communauté LGBTQ+.
Dans cet entretien éclairant, Joseph Menard-Hudon explore avec Carolyn le domaine des droits LGBTQI+ et des droits de la personne. Elle explique comment l’expertise du Canada influe sur les droits des personnes LGBTQI+ dans le monde, en particulier en Thaïlande.
Joseph : Comment avez-vous commencé à vous intéresser aux droits de la personne et aux questions LGBTQ+ ? Comment votre carrière au sein du PAT-MDE correspond-elle à vos intérêts ?
Carolyn : Je pense que j’ai toujours eu un esprit de justice sociale assez fort et un sens de ce qui est bien et mal. Depuis que je suis enfant, je veux devenir avocate et utiliser le droit comme outil de changement. Je pense que les droits de la personne sont fondamentaux, qu’ils sont indivisibles et qu’ils s’appliquent à tous, quel que soit le cadre juridique de leur pays. Ils sont inhérents et nous naissons avec eux.
Ainsi, lorsque je pense à ce rôle avec le PAT et Alinea et à notre rôle avec le gouvernement thaïlandais, je sais qu’il s’agit d’une opportunité intéressante. La reconnaissance par le Canada des droits à l’égalité et à la non-discrimination pour les personnes en fonction de leur identité de genre, de leur expression de genre et de leur orientation sexuelle est à l’avant-garde sur le plan législatif, et il est fascinant d’apporter cette perspective à un pays comme la Thaïlande qui souhaite adopter des pratiques exemplaires.
Joseph : En quoi l’expertise canadienne est-elle précieuse pour la promotion des droits des personnes LGBTQI+ dans le monde ?
Carolyn : L’objectif de tout partenariat international entre deux gouvernements est de modéliser et de mettre de l’avant les meilleures pratiques en collaboration l’un avec l’autre. Il est essentiel que le Canada apporte les connaissances et l’expertise issues de son propre contexte et les applique dans un contexte international, en les adaptant à la Thaïlande. Notre rôle est de travailler avec le gouvernement thaïlandais, de comprendre les lacunes et les possibilités, et de mettre en œuvre les changements nécessaires pour créer un partenariat durable. Ce partenariat doit non seulement inclure les membres de la communauté LGBTQI+, mais aussi veiller à ce qu’ils aient un sentiment d’appartenance sur le lieu de travail.
Joseph : Quels sont les besoins auxquels sont confrontés les membres de la communauté LGBTQI+ en Thaïlande et auxquels répond l’initiative du PAT ?
Carolyn : Je ne parle pas au nom de la communauté LGBTQI+ de Thaïlande, mais les recherches menées par des organisations telles que la Banque mondiale et le PNUD mettent en évidence certains domaines clés. La discrimination et le harcèlement, tant à l’embauche que dans les processus de rétention et de promotion, constituent un problème important. Les membres de la communauté LGBTQI+ déclarent se sentir discriminés et avoir besoin de cacher leur identité. Le manque de visibilité et d’inclusion, même une fois employé, entraîne un sentiment de non-appartenance. L’initiative du TAP vise à résoudre ces problèmes en collaborant avec le gouvernement thaïlandais pour créer un environnement plus inclusif et plus équitable.
Joseph : De quelle manière cette initiative s’aligne-t-elle sur les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies en matière d’égalité des sexes, de paix, de justice et d’institutions fortes ?
Carolyn : Ces objectifs se recoupent avec les buts et les actions de l’initiative de différentes manières. Lorsque nous parlons d’identité de genre, d’expression de genre et d’égalité de genre, il est essentiel de dépasser la conception binaire des hommes et des femmes. Nous devons activement prendre en compte les expériences des personnes non binaires et transgenres.
Alors que les discussions sur l’égalité des sexes se concentrent souvent sur la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes, nous devons reconnaître que le genre ne se limite pas à un concept binaire. Pour parvenir véritablement à l’égalité des sexes, nous devons reconnaître les multiples niveaux d’oppression et de discrimination auxquels les individus peuvent être confrontés en fonction de leur identité et de leur expression de genre, ainsi que d’autres facteurs tels que l’orientation sexuelle, la race, l’âge et le handicap. Il est essentiel de ne pas traiter les membres de la communauté LGBTQI+ comme une entité unique, mais de s’attaquer aux obstacles spécifiques qu’ils rencontrent en fonction de leur identité unique.
En ce qui concerne la paix, la justice et les institutions fortes, le ministère thaïlandais de la justice et le département de la protection des droits et des libertés ont l’occasion de donner l’exemple d’un lieu de travail équitable et inclusif pour les personnes LGBTQI+, en montrant à quoi ressemble une institution responsable en termes d’inclusion. En outre, nous examinerons comment le ministère de la Justice peut remplir ses obligations internationales en matière de droits de l’homme liées à l’égalité des sexes, à la non-discrimination et à l’inclusion des personnes LGBTQI+ de manière transparente et responsable.
Joseph : De quelle manière cette initiative s’aligne-t-elle sur la Politique d’aide internationale féministe du Canada ?
Carolyn : La Politique féministe d’aide internationale du Canada met l’accent sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. À mon avis, il est essentiel de tenir compte non seulement de l’autonomisation des femmes et des filles, mais aussi de celle des femmes et des filles transgenres.
Pour vraiment répondre aux besoins de tous, nous devons reconnaître intentionnellement comment la croissance et le changement affectent les communautés marginalisées, y compris les femmes et les filles LGBTQI+ qui sont confrontées à des obstacles distincts fondés sur des facteurs tels que le statut socio-économique, la race, l’âge ou le handicap.
Joseph : Comment créer un espace plus sûr pour les personnes LGBTQ+ en Thaïlande, en particulier les transgenres ?
Carolyn : Selon moi, le concept de dichotomie est évident dans divers contextes, même ici au Canada. Malgré notre solide cadre juridique protégeant les droits de la communauté bispirituelle et LGBTQI+ et interdisant la discrimination, nous assistons à une augmentation des crimes haineux et des menaces à l’égalité des membres de la communauté bispirituelle et LGBTQI+.
Il est clair que si les lois et les politiques inclusives bénéficient d’un certain soutien, un véritable changement de culture et de pratique nécessite une certaine intentionnalité. Pour lutter contre la stigmatisation, la discrimination, la violence et l’exclusion, nous devons créer des espaces plus sûrs pour les personnes LGBTQI+. Cela implique de les impliquer activement dans le processus, car il arrive que les alliés se précipitent sans comprendre les enjeux.
Le respect de la vie privée et la confidentialité sont essentiels, car tout le monde ne peut pas divulguer son identité de genre ou son orientation sexuelle en toute sécurité. La collaboration avec les personnes directement concernées est essentielle dans la lutte pour les droits. En tant qu’allié, vous devrez peut-être adopter différentes positions et observer la situation afin de faire avancer la cause de manière sûre et efficace.