Blogues 2024 : 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre

Soutenir les Efforts pour les Femmes, la Paix et la Sécurité en Somalie - Entretien avec Urooj Mian

En collaboration avec le ministère somalien du Développement des Femmes et des Droits de l’Homme (MoWHRD), le Partenariat d’assistance technique (PAT) et la spécialiste Urooj Mian font progresser la Charte des Femmes de Somalie ainsi que les principes de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette initiative aborde des enjeux cruciaux auxquels les femmes somaliennes sont confrontées, notamment les violences basées sur le genre, l’accès à la justice, la consolidation de la paix et les réponses aux crises climatiques et humanitaires. En évaluant les plans d’action nationaux et locaux et en s’appuyant sur les meilleures pratiques mondiales, ce projet vise à renforcer les stratégies de mise en œuvre et à promouvoir la participation des femmes aux efforts pour la paix et la sécurité.

Cet entretien avec Urooj Mian explore son travail en Somalie, ses expériences, et la manière dont elles s’alignent avec les «16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre.»

Q : Qu’est-ce qui vous a inspiré à travailler sur les questions liées aux Femmes, à la Paix et à la Sécurité (FPS), et comment cela vous a-t-il conduite à collaborer avec le ministère somalien du Développement des Femmes et des Droits de l’Homme (MoWHRD) ?

Je ne dirais pas que j’ai été « inspirée » à travailler sur les enjeux de Femmes, de Paix et de Sécurité. Je dirais plutôt que ce thème s’est imposé à moi et que je l’ai pleinement adopté. Ma première introduction au programme 1325 a eu lieu lors de réunions à l’Institut des États-Unis pour la Paix (USIP), où j’ai rejoint un petit groupe de praticiens, d’experts et de leaders internationaux pour discuter des problématiques liées aux violences sexuelles dans les conflits. J’ai eu le privilège de travailler aux côtés de celles qu’on appelle les « mères de la FPS », qui ont influencé ma trajectoire professionnelle.

À un moment donné, la présidente de WIIS Global m’a demandé de créer Women in International Security (WIIS) Canada. En tant que première présidente et directrice générale de WIIS Canada, j’ai plongé au cœur des travaux sur la FPS. Une de mes expériences les plus mémorables a été de diriger la toute première campagne nationale des 16 jours d’activisme contre la violence basée sur le genre au Canada. Cette initiative proposait un événement chaque jour, qu’il s’agisse d’activités locales organisées par des communautés ou d’événements nationaux au Parlement et dans d’autres grandes institutions. J’ai présidé le comité de pilotage de cette campagne pendant deux ans. Ce fut une expérience profondément mobilisatrice et enrichissante, qui a rassemblé des Canadiens de tous horizons.

L’impact de cette campagne a dépassé les frontières du Canada. Des groupes de femmes, notamment en Afrique de l’Est, nous ont contactés pour nous dire que notre travail les avait inspirés à organiser des événements similaires. À l’époque, les réseaux sociaux étaient encore un outil relativement nouveau pour les campagnes de sensibilisation, et ils ont joué un rôle crucial dans l’amplification de notre message.

Aujourd’hui, les enjeux de Femmes, de Paix et de Sécurité sont au cœur de mon travail et de mon engagement. J’ai enseigné sur ces thématiques, réalisé des audits pour évaluer la conformité des institutions aux obligations de la FPS, et je continue à m’impliquer de diverses façons. Cela inclut le soutien au développement et à la mise en œuvre des Plans d’Action Nationaux (PAN), aussi bien au Canada, à travers plusieurs itérations, qu’en Somalie, où j’accompagne actuellement le ministère pour concrétiser son propre PAN.

Q : Pouvez-vous partager les points essentiels de la Charte des Femmes de Somalie et expliquer comment elle s’inscrit dans les objectifs de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies ? Pourquoi cette initiative devrait-elle intéresser les Canadiens ? Que devraient-ils savoir sur le contexte politique actuel ? Pourriez-vous également parler du rôle de la mission diplomatique du Canada à Nairobi ?

L’Agenda sur les Femmes, la Paix et la Sécurité (FPS) est une obligation pour les États membres des Nations Unies. Toutefois, le défi constant réside dans la manière de mettre réellement en œuvre ces obligations et de s’assurer qu’elles soient efficaces. L’Agenda FPS est fondamentalement un agenda de paix, mais il intègre également des composantes essentielles d’autonomisation et de justice. Une tendance actuelle dans cet agenda est sa « localisation », c’est-à-dire son adaptation aux contextes locaux, que ce soit au sein des États membres ou au-delà.

La Somalie offre un environnement particulièrement complexe. Je dirais qu’elle a très intelligemment et de manière unique combiné la Charte des Femmes de Somalie, qui promeut l’égalité des femmes, avec ses engagements envers l’Agenda FPS, dans un Plan d’Action National unique. En tant que praticiens et chercheurs experts, nous savons qu’un élément fondamental pour une paix durable est une paix inclusive—une paix fondée sur des approches sensibles au genre qui reconnaissent et répondent aux vulnérabilités diverses. Nous savons également que l’égalité des genres dans une société est un préalable indispensable pour parvenir à une paix durable.

Dans de nombreux contextes post-conflit, les femmes représentent souvent plus de la moitié de la population, et elles sont fréquemment les parties prenantes les plus critiques pour mettre en œuvre les feuilles de route et les plans de développement durable et de paix. La Somalie ne fait pas exception, même si son contexte reste imprévisible, avec des défis en matière de sécurité et d’humanitaire qui varient considérablement selon les régions. Cependant, les femmes bâtisseuses de paix en Somalie sont prêtes. J’ai souvent dit que les mères somaliennes comptent parmi les femmes les plus courageuses que j’aie jamais rencontrées, et cette expérience n’a fait que renforcer cette conviction.

Le Canada a récemment joué un rôle clé en soutenant les efforts de la Somalie pour prendre en main et établir des feuilles de route afin de répondre à ces enjeux. Ce soutien inclut la création de communautés de pratiques et l’apport d’un appui qui, selon moi, aura des effets bien au-delà des contributions immédiates.

Q:Comment l’initiative PAT garantit-elle la participation significative des femmes somaliennes aux processus de construction de l’État, de consolidation de la paix et de réconciliation ? Pourriez-vous partager des perspectives issues de vos expériences à New York, en Somalie et à Nairobi ?

Mon engagement avec l’initiative PAT a été fortement participatif. Cette approche a permis d’assurer la prise en main et l’autonomisation des bénéficiaires, leur permettant d’assumer une responsabilité significative dans les résultats obtenus. En écoutant activement les voix d’une large gamme de parties prenantes—y compris des organisations de la société civile, des représentants des États membres et le ministère lui-même—j’ai pu traduire mes observations en recommandations et en une stratégie finale adaptée au contexte, fondée sur des données probantes et directement applicable.

Pour la première fois, nous avons également soutenu une délégation somalienne dans des forums internationaux, permettant aux dirigeantes somaliennes de faire entendre leur voix. Cela comprenait leur participation à des événements tels que les réunions de la Commission sur la Condition de la Femme et la Semaine FPS à New York, ainsi qu’aux réunions régionales sur la FPS à Nairobi. Grâce à ces engagements, le ministère somalien du Développement des Femmes et des Droits de l’Homme (MoWHRD) est de plus en plus reconnu comme un acteur engagé dans la mise en œuvre de ses obligations au titre de l’Agenda FPS.

Q:Quel a été l’aspect le plus gratifiant de votre travail dans le cadre de cette initiative, et comment pensez-vous qu’il contribue à une paix durable et à l’égalité des genres en Somalie ?

L’aspect le plus gratifiant de mon travail a été de me concentrer sur le renforcement des capacités et l’autonomisation. Un espace nouveau a émergé, dans lequel les représentants somaliens s’affirment avec assurance en tant que défenseurs du travail de leur pays sur l’Agenda FPS. Cela inclut la prise de rôles de leadership dans des forums internationaux, où ils deviennent des ambassadeurs de leurs réussites. Fait remarquable, on leur demande même des conseils sur les meilleures pratiques en matière d’élaboration et de mise en œuvre de leurs engagements pour mettre fin aux violences sexuelles et sexistes (SGBV) et pour faire avancer l’égalité des genres et la paix. Assister à cette transformation en si peu de temps a été à la fois émouvant et profondément satisfaisant.

Tout au long de mon engagement, j’ai insisté sur le fait que le partage des bonnes pratiques doit être un processus réciproque et non imposé. Le succès que la Somalie a démontré dans son contexte complexe offre des enseignements précieux pour la communauté internationale. Les efforts collaboratifs visant à réaliser des changements positifs peuvent tirer de nombreux avantages en apprenant des stratégies qui ont fonctionné en Somalie. C’est une preuve de la puissance des échanges mutuels et de l’engagement collectif pour le progrès.

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